"Pixel", de Mourad Merzouki, par la compagnie Käfig
Pixel, Mourad Marzouki, Cie Käfig
Un hybride hip-hop contemporain à la sauce numérique, où les corps interagissent avec les pixels – les bazardent, les esquivent, glissent dans leur flux –, c’est les couleurs de la nouveauté, c’est la danse ouverte et curieuse qui nous fait frissonner, et c’était Mourad Merzouki avec Pixel, sur la scène de La Villette en décembre dernier.
Pixel, Mourad Marzouki, Cie Käfig
La danse est un jeu, et les dialogues noués entre l’homme et le numérique à travers les différents tableaux de Pixel en sont la parfaite illustration. Un sol de pixels qui se perce sous les bonds des artistes ; un mur de points lumineux creusé tel une galerie souterraine par les ondulations de bras d’un danseur hip-hop… Les scènes foisonnent d’idées innovantes qui suscitent surprise et excitation chez le spectateur. Dans cet autre tableau, toujours en effets numériques (notez qu’un tiers de ces effets sont dirigés en direct à la palette graphique !), un sol quadrillé et accidenté de creux et de bosses défile vers la gauche. Les artistes, qui se déplacent vers la droite en rampant, en dansant ou à rollers donnent l’impression naturelle d’être emportés par ce sol, comme s’il s’agissait d’un tapis roulant. Ils sautent d’un monticule à l’autre, évitent de justesse les ravins, et cette course folle, en réalité statique, fait s’interroger sur la frontière, plus ou moins ténue, entre perception et réalité. Une réflexion également nourrie par la scène qui s’impose à mon sens comme le clou du spectacle : sur le mur virtuel, trois danseurs sont figés dans une pose arrachée au temps. Le cercle noir dans lequel ils se tiennent, débarrassé des pixels partis s’éparpiller sur le reste du mur, sert d’écrin à leur posture. La contemplation de ce tableau moderne prend subitement une autre dimension quand le plan virtuel se met à pivoter jusqu’à 90° d’un côté puis de l’autre, dans une synchronisation parfaite avec les danseurs, qui confère au tout une étonnante impression d’immobilité !
Pixel, Mourad Marzouki, Cie Käfig
Le mouvement imperceptible de ces danseurs nous fait en outre oublier le caractère live de ce que nous observons : les artistes sont fondus dans l’image numérique, qui prend ici le dessus dans notre perception. Et c’est du va-et-vient mental qui s’effectue alors entre perception (devenue habituelle) d’une image informatique enregistrée et rappel à notre propre conscience qu’il s’agit ici d’une prestation vivante que naît l’incroyable vertige produit par ce tableau. Une trouvaille aussi époustouflante que sa réalisation, qui met en relief l’originalité et la rigueur du travail de Mourad Merzouki et de la compagnie Käfig. Un travail axé sur une recherche artistique continuellement soucieuce de proposer nouveauté, mixité des disciplines (danse, contorsion, glisse, acrobatie…) et expression d’énergies positives.
Pixel, Mourad Marzouki, Cie Käfig
Saison après saison, La Villette nous émerveille avec ses sélections éclairées, et on attend avec impatience la prochaine claque artistique…
Sur ce lien vous trouverez toutes les informations sur la création et sur les prochains spectacles : http://bit.ly/MeltingArtCieKafigPixel
Prochaines représentations au Festival de Suresnes Cités Danses : vendredi 22, samedi 23, mardi 26 janvier à 21h, ou dimanche 24 janvier à 17h, au Théâtre de Suresnes Jean Vilar : http://bit.ly/MeltingArtPixelSuresnes